X
    Categories: Cinéma

Nostalgie – Un peu d’histoire du cinéma japonais durant les années 1950 à 1970

rashomon avec toshiro mifune

Nous avions fait ici https://archive.brizawen.com/?p=266 une sélection des meilleurs Chambaras japonais – pléonasme 🙂 . Nous allons ici revenir sur l’histoire et la construction du cinéma japonais dans sa période phare (1950 -1970).

1 – Les débuts du cinéma japonais

Dès les premières années du 20° siècle, le cinéma japonais faisait  ses débuts dans le septième art. sa production était même considérable (en 1924 : 875 films !) et des réalisateurs – K. Mizogushi, T. Kinugasa et T. Uchidada – avaient monté un certain nombre de films intéressants et beaucoup de talent dans leur réalisation.

C’est après de longues années de silence, que le chef d’œuvre inspiré d’une nouvelle originale, Rashōmon (羅生門), (film réalisé par Akira Kurosawa en 1950, d’après une nouvelle de Ryunosuke Akutagawa et avec Toshirō Mifune comme acteur principal), parvint de ces terres lointaines, révélant à l’occident l’existence d’un cinéma inconnu. Les spécialistes furent émerveillés par la qualité du film et les prouesses techniques.

Rashōmon (羅生門) de Akira Kurosawa en 1950

L’organisation du cinéma japonais était moderne et efficace, sa production énorme – la deuxième après celle des États-Unis, son marché très étendu dans toutes les iles du pacifique, de l’océan indien et dans les pays qui les bordent. Sans aucun doute le Japon arrivait au second rang mondial.

2 – Conception d’un film japonais : la discipline

En Europe la réalisation d’un film demandait au moins trois mois de travail ; au Japon, il suffisait en moyenne 40 jours. Cette incroyable rapidité tenait au fait surtout de la discipline qui régnait dans les milieux cinématographiques nippons. Les films étaient mis au point selon de véritable méthode industrielles : producteurs, metteurs en scène, acteurs, personnel technique avaient des conditions de travail semblables à celles d’ouvriers d’usine.

De la super-vedette au dernier des manœuvres, l’horaire qui était le même pour tous, s’alignait sur le reste de la population. Tout était prévu avec un soin minutieux et chacun devait se plier à des règles précises, et devant effectuer sa tâche en un temps bien déterminé.

Les acteurs, mêmes les plus célèbres s’assujettissaient à cette discipline de fer et travaillaient comme de simples employés, huit à dix heures par jour. Le matin, ils se présentaient au studio de cinéma, endossait les costumes des personnages qu’ils devaient incarner et posaient jusqu’au soir devant la caméra.

Machiko Kyo dans rashomon

Le salaire d’un bon acteur japonais était sans rapport avec les salaires faramineux des acteurs européens et américains de l’époque.

3 – La simplicité des scénarios

Au rythme du travail, s’ajoute un autre élément de poids : la relative simplicité du récit. Dans la plupart des cas, le sujet, assez dépouillé, ne demande pas de nombreux figurants. Les reconstitutions  spectaculaires de villes ou de batailles ne sont pas nécessaires. Les décors naturels (édifices antiques, vues incomparables du pays), joints aux coutumes traditionnelles, constituent un fond admirable.

la forteresse cachée

Enfin, grâce à des installations extrêmement modernes, à un personnel qualifié, à une excellente organisation commerciale, les films nippons sont relativement peu couteux et leur réalisation est très rapide.

Si on ajoute à cela qu’ils atteignent souvent une haute valeur artistique et constitue parfois de véritables chefs d’œuvre, on peut comprendre la raison de la puissance du cinéma japonais.

4 – Deux films au programme :

Le japon produisait régulièrement dans les années 70 plus de trois cent films par an, œuvres de plusieurs sociétés : Fuji, Shintoho, Toho, Shoshiku, Toei, Nikkatsu, Daei.

Mais pourquoi tant de films ? Il faut savoir que vers 1960, le Japon possédait  7 500 salles de cinéma qui étaient fréquentées annuellement par un milliard de personnes, ce qui représentait la moyenne de 12 entrées par habitant !!!

De plus les japonais étaient très exigeants sur la durée des films. Quand ils allaient au cinéma, ils voulaient y rester au moins quatre heures, et si possible cinq, voire six heures au total. Dans un premier temps, leur curiosité était insatiable et ils assistaient volontiers à trois ou quatre séances consécutives.

Cinema Japonais

A cette époque, les spectateurs entraient dans les cinémas avec tout ce dont ils avaient besoin pour y passer une bonne journée. Ils apportaient de la nourriture, des boissons, des coussins, des journaux, la bouillie des enfants ! …

Mais un jour les propriétaires des sales eurent l’idée de mettre deux films au programme quotidien, afin d’attirer un plus vaste public ; cette coutume existe encore de nos jours. Le spectateur peut, avec le même billet, assister à la projection de deux films : l’un présente un caractère historique, l’autre était plus moderne.

5 – Deux genres cinématographiques :

Pour la raison précédente, la production japonaise s’est développée selon deux courants : d’une part des films modernes analysant des problèmes de la vie quotidienne, de l’autre des films historiques, généralement centrés sur l’époque du Moyen Age (les shoguns).

Les films d’époque (tels que la Harpe de birmanie, l’Ile nue, l’Homme au pousse-pousse) propose des récits modernes dont les acteurs représentent des hommes et femmes du XXème siècle.

la harpe de Birmanie

On y retrouve parfois l’influence américaine qui pénètre à peu près tous les domaines de la vie japonaise. La guerre, l’occupation, les drames, la misère, la vie des humbles apparaissent avec une simplicité réaliste ou poétique, mais toujours puissante.

Les films de caractère historique rapportent des récits, des épisodes, des légendes de cette période splendide et sombre que fut le Moyen Age japonais (l’époque des Shoguns).

Le souvenir du temps des anciens, la force de la tradition demeurent intensément ancrés au Japon, ce qui explique comment les réalisateurs contemporains parviennent à tirer du passé des œuvres et d’une assez beauté extraordinaire. Des films tels que Rashomon, les sept Samourais, le Trone de Sang font parties des productions du cinéma mondial.

Samouraïs

Ces œuvres sont souvent dominées par la puissante figure du samouraï, noble guerrier qui met son invincible épée au service de son seigneur, de la justice, des faibles et des persécutés. Ce personnage chevaleresque, chargé de signification, se détache au centre de récits vigoureux, poétiques et cruels à la fois. Il incarne et symbolise une justice qui finit toujours par triompher du mal. Pour nous les occidentaux, le samouraï semble quelque peu inhumain, machine glaciale et implacable accomplissant sa mission sans aucune souplesse.

6 – Les samouraïs s’humanisent :

Dans les films plus récents, cependant ce personnage se transforme : ce n’est plus le guerrier superbe et inaccessible, enfermé dans sa cuirasse de devoir, mais un homme vulnérable, qui souffre de sa solitude.

Déjà dans les sept samouraïs, ce changement se dessinait. Pour ceux qui ont eu le plaisir de voir le film se souviennent du caractère profondément humain de chacun des sept guerriers. Pour la première fois, les samouraïs étaient des hommes comme les autres, avec leurs qualités et leurs défauts, leurs vertus et leurs faiblesses.

Les sept Samouraïs

Notons que ce thème a été repris dans le célèbre film américain, les sept mercenaires. Du reste cette évolution s’est produite également dans l’ensemble du cinéma américain. Le cowboy, ce samouraï du nouveau monde, n’est plus le justicier infaillible et inflexible des westerns des années 1940/1960.

Les sept Mercenaires

Cette transformation s’explique par la répercussion, dans le domaine cinématographique, du souci de vérité qui caractérise l’époque des années 80.

Aujourd’hui, le cinéma japonais est toujours une valeur sure mais a perdu beaucoup de son esthétisme. Une originalité toujours présente d’art et d’essai mais trop d’américanisation et selon mon gout trop de films « gores ». Et puis, la concurrence est venue :  Hong-Kong et surtout de Corée qui arrose toute l’Asie avec son cinéma et ses séries.

Brizawen:

View Comments (1)

  • Merci, sympa ce rappel historique du cinéma japonais. Ca relativise encore plus nos navets français.